Ré-percussions

avec l’APPAS - Association pour la Promotion de la Pratique des Arts du Spectacle (Séverine Lebrun et Emmanuel Ricard) au Foyer d’Accueil Médicalisé d’Argentan (Fondation ANAIS)

La Luciole, Scène de Musiques Actuelles labellisée par le Ministère de la Culture, développe des missions de diffusion, d’accompagnement, mais aussi d’action culturelle, en multipliant les projets permettant de toucher le public le plus largement possible. Cela se traduit entre autres par la mise en place d’actions envers les publics dits « empêchés », et notamment envers des personnes en situation de handicap.

Des partenariats ont déjà été noués entre La Luciole et des établissements accueillant un public handicapé, mais il n’y avait pas encore eu de proposition d’interventions au sein des structures directement, d’où le souhait de développer cette dynamique.

Suite à des échanges avec la Direction du Foyer d’Accueil Médicalisé d’Argentan, et une visite de la structure, la volonté est née de proposer un projet autour de la musique, qui puisse avoir un impact aussi bien auprès du personnel éducatif que des résidents.

Le trouble du spectre de l’autisme est l’un des « troubles neurodéveloppementaux » (TND). Les critères diagnostiques actualisés par le « diagnostique et statistique des troubles mentaux » – DSM-5 sont définis dans deux dimensions symptomatiques qui sont :

  • Les déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés.
  • Le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités.

Cette définition, dimensionnelle, est complétée par un niveau de sévérité selon le niveau de l’aide requise. La définition nécessite de spécifier si les conditions suivantes sont associées au « trouble du spectre autistique » (TSA) : « déficit intellectuel, altération du langage, pathologie médicale ou génétique connue ou facteur environnemental, autre trouble développemental, mental ou comportemental, ou catatonie ». Cette définition remplace celle, catégorielle, de troubles envahissants du développement (TED) de la « classification internationale des maladies » CIM-10, en l’attente de la CIM-11.

Des recherches ont montré récemment qu’une personne qui débute une activité musicale par la pratique instrumentale utilise les mêmes aires cérébrales qu’une personne qui communique. L’amélioration des capacités de communication peut être liée à une connectivité accrue entre les cortex auditif et moteur du cerveau, révèlent des chercheuses de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. La participation à des activités musicales telles que le chant et la pratique d’instruments de musique dans le cadre d’une thérapie individuelle ou de groupe peut améliorer les capacités de communication sociale des personnes atteintes de « trouble du spectre autistique » (TSA), améliorer la qualité de leur vie de famille et accroître certains réseaux clés de leur connectivité cérébrale, toujours selon des chercheuses de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Les résultats des examens d’IRM (imagerie par résonnance médicale) des enfants ayant participé à l’intervention musicale suggèrent que l’amélioration de leurs capacités de communication pourrait être due à une connectivité accrue entre les cortex auditif et moteur de leur cerveau ainsi qu’à une connectivité réduite entre les cortex auditif et visuel, qui affichent souvent une surconnectivité chez les autistes.

De plus, depuis la DSM-5 et la CIM-11, les troubles de la sensorialité sont aussi pris en compte dans l’intensité des troubles du spectre autistique. La pratique musicale permettra aussi d’affiner nos évaluations concernant certains sens dont l’ouïe et la proprioception.

Nous souhaitions proposer des ateliers adaptés au public, et la réflexion a été menée autour de la percussion. Deux artistes normands, Séverine Lebrun, musicienne et formatrice, et Emmanuel Ricard, encadrent 8 ateliers de 40 minutes pour 3 groupes de résidents, autour de la percussion et la rythmique. Au-delà de la dimension musicale, l’intervention est aussi intéressante sur le plan de la rencontre. Ce renforcement d’activité mis en place au Foyer d’Accueil Médicalisé permet aux résidents de rencontrer deux nouvelles personnes. Cela permet aussi aux résidents de développer leurs habiletés sociales auprès de deux personnes inconnues avec lesquelles elles ont une rencontre musicale.

A la base, le son est l’élément central de la démarche artistique de Séverine Lebrun et Emmanuel Ricard. Au-delà du sens qui peut être mis sur le mot « musique », qu’ils comprennent avec leurs oreilles comme quelque chose de construit, de mélodique et de rythmique, les univers sonores et la matière sonore sont leur tronc commun pour élaborer leurs propositions musicales.

La musique est un langage universel qui n’a de frontières que les différents codes qui la régissent selon les cultures. Il n’existe pas de société sans sons et par conséquent, nous avons tous, à des niveaux différents, une sensibilité sonore qui, lorsqu’elle est stimulée, peut nous permettre d’interagir à travers les sons.

Lors des ateliers, les intervenants essaient d’offrir un univers sonore enveloppant, ludique, poétique et créatif. C’est dans un cadre sécurisant qu’ils peuvent alors développer une écoute mutuelle qui peut conduire à une interaction. Ils sont attentifs et observateurs pour saisir ce qui captive et ainsi déceler les sons qui surprennent, qui inquiètent, qui rassurent, qui procurent du plaisir, qui dérangent…

Cette attention constante au moment présent les amène à ajuster en permanence les propositions :

  • Ecoute active / passive
  • Manipulation d’objets et/ou d’instruments
  • Expression vocale et/ou corporelle
  • Détente et relaxation

Leur mot d’ordre est d’être à l’écoute de ce qui se passe à chaque instant. C’est cette attention qui leur permet de trouver la justesse du lien à établir et des sons à proposer en adéquation avec cette réalité de l’instant présent.

La richesse de leur instrumentarium est en cela importante car elle leur permet d’adapter leur palette sonore selon l’énergie du moment.

La notion de jeu est, à leurs yeux, une condition préalable au développement de la musique proprement dite. Dans ce but, il est primordial de faire intervenir son imagination et de tenter de la faire coïncider avec celles des participants. Pour cela, des jeux de miroir, de répétition ou d’imitation sont des outils très utiles. Pour amorcer ces jeux, il leur faudra déceler des sons, des réactions, des attitudes, des mouvements qui pourraient apparaître devant eux et les utiliser en les adaptant de façon cohérente avec ce qui se passe sur le moment (avec délicatesse, humour, bienveillance…).

Les sons et les bruits peuvent alors devenir musique.

Durant ces moments de musique, il est important pour eux de laisser les participants manipuler les instruments et les objets sonores par eux-mêmes. Après les avoir vus faire, il naît souvent une envie collective d’expérimenter ces drôles de jouets qu’ils leur apportent dans leur lieu de vie.

Pendant ce temps privilégié, les participants deviennent à leur tour musiciens et peuvent soit tenter de reproduire ce qu’ils ont vu juste avant, soit s’approprier les instruments et les détourner de leur fonction première. Il est très intéressant d’observer les différents comportements dans ces temps de jeux. Certains jouent seuls et avec un seul instrument, d’autres en essayent plusieurs, certains cherchent à entrer en jeu avec d’autres…

Dans cette partie de l’atelier peuvent alors s’inventer des règles de jeu autour de la hauteur, de l’intensité, du rythme… Une sorte de dialogue s’instaure alors dans une construction aléatoire d’un jeu dont personne ne connaît l’issue.

Intrumentarium (non exhaustif) :

  • ASIE : Gongs, bols tibétains,
  • AFRIQUE : Djembé, doundouns, djabara, krin, balafon, n’goni, sanza, tambour d’eau, calebasses, derbouka….
  • AMERIQUE : Congas, cloches, timbales, claves, guiro, maracas, flûtes et tambour amérindiens…
  • EUROPE : Flûtes, accordéon, guitare, tuba, structures Baschet, kool drum, océan drum, space drum, cymbales, sanzula,
  • OBJETS : Photophores, pots de fleurs, métaux, cuillères, tuyaux…
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Ce projet est mené dans le cadre du dispositif Culture-Santé,

programme régional Culture, Santé et Médico-social en Normandie.

 Les objectifs ciblés sont les suivants :

  • Favoriser l’accès à l’art et à la culture des personnes hospitalisées, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, au moyen de rencontres avec des artistes, des œuvres, des processus de création et par la pratique artistique.
  • Favoriser l’inclusion des personnes hospitalisées, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap et la prise en compte de leurs droits culturels.
  • Ouvrir les structures sanitaires et médico-sociales vers l’extérieur et favoriser leur ancrage territorial en encourageant les partenariats de proximité (structures culturelles, scolaires, centre de loisirs…) et la mixité des publics.
  • Améliorer les conditions d’accueil, de vie, d’accompagnement et de soins des bénéficiaires du système de santé et du secteur médico-social de manière à rompre leur isolement en leur apportant un sentiment de mieux-être et en encourageant la coopération interservices ou intersites.